Ancien directeur des programmes de Canal+ Belgique, et consultant spécialisé dans la négociation de droits télé du football, Pierre Maes perçoit le nouveau service 100% Ligue 1 de Free comme attractif avec un fort potentiel commercial. Seul hic, il pourrait nuire à la ligue et impacter la part des revenus du live.
En lançant le mois dernier son nouveau service Free Ligue 1 Uber Eats, l’opérateur de Xavier Niel propose de consommer le foot d’une manière différente, à coups d’extraits d’une trentaine de secondes en quasi-direct des buts et meilleures actions de toutes les rencontres du championnat via notamment un système de notifications sur smartphone. “On vise un public qui veut suivre la Ligue 1 sans être contraint de passer une ou deux heures dans son canapé. On vise des personnes qui ont des impératifs et qui sont ultra-connectés“, indique Frédéric Goyon, responsable de la ligne éditoriale de Free Ligue 1. Gratuit pour tous pour le moment, ce service a enregistré 500 000 utilisateurs lors de la quatrième journée de championnats. Par la suite, l’opérateur compte bien monétiser son média afin de faire fructifier ses droits TV acquis jusqu’en 2024.
Ce lot numérique acquis pour moins de 50 millions d’euros, Canal+ et beIN Sports, l’ont détenu précédemment mais ne l’ont pas utilisé à sa juste valeur, afin de ne pas court-circuiter leur plateformes de diffusion et cannibaliser le direct.
Fort d’un point de vue commercial mais nocif pour le marché des droits TV
Dans une interview accordée à France TV Sport, Pierre Maes expert des droits TV du foot, perçoit à ce propos le nouveau service de Free comme “très intéressant car il permet de faire autre chose tout en gardant une certaine excitation liée au direct. Sur le papier, c’est quand même un produit très fort. À voir quel impact commercial il aura.”
Néanmoins, l’ancien directeur des programmes de Canal+ Belgique note une potentielle nocivité de ce produit pour la LFP et la valeur des droits TV des matchs en direct. “Quand on parle des revenus des droits télévisuels, 95% des recettes de la vente de ces droits proviennent du direct. Donc, pour une ligue, c’est presque dangereux d’aller mettre un produit comme celui de Free sur le marché, parce qu’on met en danger la plus grosse part des revenus. Tout ça pour un produit qui représente une part marginale du package total”.
A titre de comparaison, Mediapro a déboursé plus d’1 milliard d’euros sur quatre ans. Selon le spécialiste, l’arrivée de Free sur les pelouses de la Ligue 1 n’a pas fait plaisir au premier diffuseur de la Ligue 1. “Ça leur ajoute une difficulté supplémentaire, qu’on ne peut pas encore mesurer. Ils sont très certainement attentifs à l’évolution de l’application.” Chez Free, pas de concurrence, on préfère présenter l’application comme un service complémentaire à Téléfoot.
Reste aujourd’hui à savoir si Free Ligue 1 Uber Eats va réellement révolutionner le marché des droits TV. Si c’est encore trop tôt pour le dire, Pierre Maes estime que la force de ce lot va réellement être mis en exergue, de quoi possiblement impacter la valeurs des droits TV à l’avenir. La Ligue de football professionnelle aurait dû selon lui se montrer plus prudente. En général, les ligues “veulent multiplier les produits pour augmenter les recettes, mais elles ont peut-être été trop loin et ça aura peut-être une influence sur la valeur du direct. Les acteurs qui sont encore prêts à mettre des sommes importantes sur le direct, il faut les chérir. Et avec ce genre de produit, on ne les chérit pas. Si j’avais été les ligues, je ne pense pas que j’aurais vendu ce produit.” Mais alors pourquoi retarder l’inévitable, c’est le sens de l’histoire selon Free. Ne plus regarder les matchs dans leur intégralité, bientôt une nouvelle norme ?
Source : France TV Sport