Derrière ses concurrents en matière de déploiement de la bande coeur de la 5G, SFR continue pourtant de critiquer la stratégie de certains rivaux, en particulier Free.
Un mois après avoir lancé sa 5G de manière très localisée à Nice, SFR a activé hier son réseau à Lyon malgré les réticences de la majorité écologiste, celle-ci ne pouvant pas s’y opposer. A l’occasion de cette annonce le 18 décembre, le directeur général de l’opérateur au carré rouge, Grégory Rabuel, en a profité pour revenir sur les premières performances commerciales de SFR, sur le plateau de BFM Lyon. Le premier bilan est très positif à ses yeux, “on a des bonnes surprises, parce qu’on vend beaucoup d’abonnements 5G, de téléphones 5G, même dans des villes qui ne sont pas encore couvertes par SFR. Alors évidemment, à Nice ou Montpellier, on a lancé la 5G donc on a des abonnements très importants”.
L’interview prend même soudainement une tournure inattendue, légèrement égocentrée. ” Les Français profitent de leur changement de mobile pour prendre un téléphone compatible 5G, et ils ont bien raison parce qu’ils se disent : dans 1 mois, dans 2 mois dans 3 mois, il y aura la couverture SFR 5G, donc ils anticipent, donc pour l’instant il y a un très bon accueil. Tout le monde a envie d’avoir la 5G”, se permet Grégory Rabuel. Les foyers français attendraient de pied ferme la 5G de SFR. Les résultats commerciaux des prochains trimestres seront l’occasion de se rendre compte du succès de la stratégie et des performances de l’opérateur.
En attendant, les propos de son directeur général différent totalement des déclarations, plus mesurées, du PDG d’Orange le mois dernier. Si les abonnés de l’opérateur historique pourront bénéficier de la 5G dans 160 communes d’ici la fin de l’année, il sera nécessaire de se trouver près d’une antenne 5G. Or, force est de constater que celles-ci sont encore trop rares, a avoué Stéphane Richard et d’ajouter qu’il faut aussi acheter “un produit dont vous n’avez pas, dans l’immédiat, une très grande disponibilité, ce n’est pas forcément très attractif” poursuit-il. Chez Orange, la question de l’attractivité des forfaits 5G sera plus pertinente d’ici le second trimestre 2021, lorsque le nouveau réseau sera plus largement déployé. Malgré tout, l’opérateur historique ne peut pas se permettre de dire le contraire dans un contexte de défiance autour de la nouvelle génération de téléphonie mobile, ses forfaits 5G séduisent assure t-il.
“On pousse la vraie 5G chez SFR”, vraiment ?
C’est donc parti pour la bataille des déploiements d’antennes. Dans le 1er observatoire de l’Arcep dévoilé le 16 décembre, figure le nombre de sites 5G ouverts commercialement par opérateur.
Tout type de bandes de fréquences utilisées, Free Mobile arrive en tête avec 5 303 sites activés au niveau national (3,5 GHz+ 700 Mhz), devant Bouygues Telecom (1344 sites), Orange (646 sites) et SFR (278 sites). Ces derniers combinent quant à eux la bande coeur de la 5G avec la fréquence basse 2100 MHz.
Sur la seule bande 3,5 GHz, Orange s’adjuge la première place avec 475 sites activés, devant Free Mobile et ses 221 sites en service. Derrière, suivent Bouygues Telecom (115 supports) et SFR (97 sites). Si la filiale d’Altice a préféré se revendiquer être le premier à avoir lancé la 5G… reste que le déploiement de son réseau prend déjà du retard sur celui de ses rivaux. L’opérateur comptait même récemment plus de sites 5G 2100 MHz que 3,5 GHz. L’ouverture prochaine dans de grandes agglomérations et notamment Paris, pourrait toutefois inverser la tendance. Les quatre telcos sont dans une phase très préliminaire. “Ce que l’on a pu allumer pour le moment n’est pas significatif d’une stratégie, ou de ce que ça va être dans un an ou 18 mois” explique pour sa part Free.
Mais la direction de SFR n’en démord pas et continue de s’en prendre à certains rivaux comme l’opérateur de Xavier Niel: “nous on parle de 5G chez SFR, on parle de vraie 5G, on observe que d’autres opérateurs déploient massivement sur des bandes de fréquences différentes, qui finalement n’apporteront rien en termes de qualité de services, autres que la 4G, donc on souhaite ne pas mentir aux Français, on souhaite être dans une logique vraiment gagnant-gagnant avec eux, donc nous on pousse la vraie 5G chez SFR”, martèle Grégory Rabuel.
L’opérateur au carré rouge, déjà auteur de plusieurs critiques sur la “fausse 5G” de Free il y a plusieurs mois, apparaît pourtant comme le plus mauvais élève de classe sur ce qu’il appelle la “vraie 5G”.
“Vous avez des smartphones 5G à partir de 1 € avec un nouvel abonnement chez SFR”
Sur les prix, SFR propose des forfaits 5G allant de 40€/mois à 95€ pour de l’illimité (hors promotion), tout comme Orange. Sur ce terrain, Free Mobile gagne la bataille en proposant de la 5G au prix de la 4G, devant les marques low cost B&You et Red by SFR. Les rivaux du trublion ont tous fait le choix de valoriser la 5G de 5€.
Mais la filiale d’Altice ne voit pas les choses sous cet angle là, l’opérateur souhaite séduire via le subventionnnement : “Alors, 5 € plus cher le forfait, que le forfait 4G chez SFR, mais nous subventionnons massivement les téléphones pour accompagner justement les clients qui veulent s’équiper d’un téléphone 5G. Vous avez des smartphones 5G à partir de 1 € avec un nouvel abonnement chez SFR, donc c’est vraiment très agressif en termes de pricing. Nous, notre ambition c’est que le maximum de clients ou de nouveaux clients SFR puissent en profiter donc on est extrêmement incisif commercialement sur ce sujet.”
De son côté, Free continue de tirer à boulets rouges sur les pratiques des opérateurs en la matière. “Il faut y mettre fin ou a minima forcer la transparence en distinguant le prix du terminal et le prix du service. Les consommateurs, la balance commerciale et l’environnement en profiteront “, a fait savoir Xavier Niel le mois dernier devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée générale.
Pour le trublion, il est nécessaire d’éviter aux abonnés de payer “un abonnement coûteux alors que leur mobile a été complètement remboursé”. Sur le marché de la subvention, Free a gagné d’ailleurs une bataille devant la Cour de cassation après plusieurs années de combat, puis en appel face à SFR. “Il semblerait que cela soit illégal mais cela n’empêche pas d’autres opérateurs de continuer de mettre ce sytème en oeuvre”, n’a pas manqué de souligner le magnat des télécoms.
Il faut le dire, les angles d’attaque diffèrent aujourd’hui d’un opérateur à l’autre. La bataille des recrutements, de la rentabilité, des prix et des réseaux ne fait que commencer sur la 5G.