Les trimestres se suivent et se ressemblent pour le groupe Canal+. La filiale de Vivendi continue d’assister en France à une fuite massive de ses abonnés aussi bien en auto-distribution qu’avec les partenariats noués avec Free, Orange et Bouygues. Mais que se passe t-il ? Pessimiste, le Président de conseil de surveillance de Canal+ s’est fendu de quelques explications.
Depuis le début de l’année, le groupe Canal+ continue de laisser des plumes dans l’hexagone avec une perte de 167 000 abonnés, soit 68 000 au deuxième trimestre. S’il cartonne à l’international où il continue de se développer, notamment avec le rachat du groupe M7 qui va lui permettre d’empocher 3 millions d’abonnés, la direction ne le nie plus, “c’est en France que nous rencontrons le plus de difficultés”, avoue dans une tribune parue dans Les Echos, le président du conseil de surveillance de Canal+.
Affirmant que le groupe est toutefois “redevenu un fleuron national, présent sur l’ensemble de la chaîne de valeur des contenus audiovisuels : la création (avec StudioCanal), l’édition (avec les chaînes Canal+), l’agrégation et la distribution de ses contenus et de contenus tiers (sur l’ensemble de ses plates-formes)”, Jean-Christophe Thiery, explique pourquoi même réformé, Canal+ vacille dans l’hexagone : “même restaurée, la situation de Canal en France est celle d’une entreprise assiégée. Marchés et consommateurs ont des exigences nouvelles. Et sous la férule d’une concurrence forte et mondialisée, libre de toutes obligations vis-à-vis de la création française, Canal en France a revu toutes ses offres, baissé tous ses prix, réduit toutes ses charges fixes”.
Autrement dit, les arrivées des beIN, Netflix, Amazon, ou encore prochainement de Mediapro pour la Ligue 1 mais aussi des SVoD Disney+ et HBO Max, l’ont et vont l’impacter. S’il assure que la filiale de Vivendi “a eu le courage de faire face à cette nouvelle concurrence en se réformant”, le président du conseil de surveillance estime que ce mouvement d’intensification ne fait que commencer. Conséquences à l’avenir, “d’autres départs d’abonnés se feront sentir, et le résultat français de l’entreprise va de nouveau se dégrader”, regrette t-il. Reste à savoir si le partenariat de distribution trouvé avec Netflix redonnera des couleurs commercialement à la filiale de Vivendi.
Les chiffres du 2ème trimestre confirment en tout cas la tendance. Le portefeuille global d’abonnés du groupe en France comprenant les abonnés à la chaîne Canal+, à Canalsat et à Canalplay, est toujours troué, passant de 7,727 millions au 31 mars 2019 à 7,659 millions fin juin. Au total, pas moins de 68 000 clients se sont désabonnés au cours de l’exercice contre 99 000 au premier trimestre.
De leur côté les accords de distribution noués avec Free, Orange et Bouygues n’ont pas réussi à compenser cette perte, bien au contraire, ces derniers sont toujours dans le négatif malgré une stabilisation. Les recrutements dans cette catégorie accusent une perte de 8 000 abonnés au T2 contre 9 000 au T1 pour une base totale de 3,076 millions fin juin soit 17 000 abonnés évaporés sur le semestre.
Conséquence de ces mauvais résultats, le chiffre d’affaires de Groupe Canal+ recule inévitablement. Celui-ci s’établit à 2 518 millions d’euros au premier semestre, en repli de 2,2 % à taux de change et périmètre constants. Les revenus de la télévision en France métropolitaine reculent également en raison de la baisse du portefeuille global d’abonnés, malgré une nouvelle croissance du nombre d’abonnés à la chaîne Canal+ (près de 45 000 au cours des 12 derniers mois).
Alors que s’est-il passé pour Canal + ? “Justement rien”, répond amèrement Jean-Christophe Thiery. Selon lui, “le « monopole » accordé à Canal, il y a trente-cinq ans, équilibré alors par les dispositifs en faveur de la création française, est mort depuis bien longtemps. Les obligations, elles, se sont accrues. La TVA appliquée à Canal est passée de 5,5 à 10 %, la fiscalité sectorielle du CNC s’est alourdie et Canal est taxé jusqu’à 7,25 % quand Netflix – zéro emploi en France – ne supporte qu’un taux de 2 %.” Sans parler de la question des droits sur les oeuvres financées où la filiale de Vivendi qui finance “quasi intégralement des oeuvres”, n’a pas le droit “de prendre les mandats à l’étranger et, qu’en France, il doit racheter après trois ans et demi de diffusion seulement”.