Oeil pour oeil, dent pour dent. Orange en a ras-le-bol d’être trop souvent dans le viseur de l’Arcep à l’heure où il investit et déploie la fibre à tour de bras. Dans une interview accordée aux Echos, son PDG, Stéphane Richard, explique pourquoi il remet aujourd’hui en question le pouvoir de sanction du régulateur.
Le torchon brûle entre l’opérateur historique et l’Arcep. Face à la multiplication des procédures de sanction lancées à son encontre par la police des télécoms comme sur la qualité de ses offres de gros, le retard de déploiemement en zone AMII ou encore l’entretien de son réseau cuivre, Orange a décidé fin août d’aller contester devant le Conseil d’état la légitimité de l’Arcep à sanctionner les opérateurs au nom du principe d’impartialité, et ce pour une question prioritaire de constitutionnalité. En réponse, le régulateur s’est fendu la semaine dernière d’un édito plutôt sanglant dans lequel il brandit la menace d’une séparation fonctionnelle entre les activités de réseau et commerciales d’Orange comme au Royaume-Uni. Pour la police des télécoms, attaquer son pouvoir de sanction, “c‘est défier l’esprit pragmatique de la régulation à la française”.
Si l’Arcep venait à perdre son siflet, la décision serait lourde de conséquences puisqu’elle pourrait mettre en danger le respect des engagements pris par les opérateurs sur leurs déploiements, la qualité de leur service. Interrogé à ce propos par Les Echos, Stéphane Richard, ne le perçoit pas ainsi : “Ce n’est pas la question. Orange respectera quoi qu’il arrive ses engagements, tant sur la fibre que sur le mobile, je m’y engage formellement. Il faut un minimum de confiance”. Pour lui, le problème est ailleurs. Pour comprendre, il faut se pencher sur la multiplication des mises en demeure de l’Arcep visant directement l’opérateur historique : “Il y a chez Orange une forme d’incompréhension. Nous sommes mobilisés à fond, pour déployer la fibre et la 4G, comme jamais dans notre histoire. Et en face, le régulateur multiplie les procédures à notre égard. On peut presque parler de harcèlement juridique et médiatique. L’Arcep a lancé dix procédures contre Orange, c’est un record historique ! Si encore Orange renâclait à investir ou était défaillant, on pourrait comprendre. Mais nous sommes l’opérateur européen qui investit le plus en pourcentage de son chiffre d’affaires – et essentiellement en France”, explique Stéphane Richard. Autre point d’interrogation, à l’heure où la France a fait le choix coûteux du FTTH à contrario de l’Allemagne et du Royaume-Uni et alors que le secteur investit en masse, ” pourquoi choisir précisément ce moment pour mettre la pression”, questionne encore Stéphane Richard avant de se rendre à l’évidence : il y a ” un décalage entre notre rôle de locomotive dans le déploiement des réseaux et le comportement du régulateur”.
La conviction du patron du FAI est fondée : “Le rôle d’un régulateur est de réguler. Ce n’est pas un chef de chantier, ni un ministre de l’Industrie ! Qu’il y ait une forme de dialectique, des périodes de tension entre le régulateur et les opérateurs télécoms, c’est tout à fait normal. Ces relations sont d’ailleurs bien plus difficiles ailleurs en Europe, notamment en Allemagne. Remettons ce débat à sa juste proportion. Je dis simplement que notre régulateur semble ces derniers temps avoir opéré un glissement progressif vers un climat de suspicion. C’est tout l’inverse du modèle français de régulation, auquel nous sommes attachés, tout autant que l’Arcep.”
Enfin, Orange persiste et signe. Ses juristes contestent une l’absence de séparation au sein de l’Arcep entre les équipes en charge d’écrire la règle, de la contrôler et de sanctionner en cas de non respect.