Une décision de justice sème le trouble autour de la scission de Vivendi (Canal+)

L’autorisation de l’AMF pour la scission de Vivendi en quatre structures distinctes est désavouée par la justice, créant énormément d’interrogations.

La décision fait l’effet d’un petit séisme dans les milieux financiers. La cour d’appel de Paris a directement désavoué l’Autorité des marchés financiers (AMF) en remettant en cause la scission du groupe Vivendi, orchestrée en décembre dernier. Une opération qui, selon les juges, aurait dû s’accompagner d’une offre publique de retrait (OPR), une procédure potentiellement très coûteuse pour l’actionnaire principal : le groupe Bolloré.

La justice considère désormais que Vincent Bolloré exerce un contrôle effectif sur Vivendi SE, ce que contestait l’AMF, ouvrant ainsi la voie à une réévaluation complète du dossier. La Cour enjoint à l’AMF de réexaminer sa décision, non pas pour imposer directement une OPR, mais pour apprécier, à la lumière de ce contrôle, si une telle offre aurait dû être imposée à l’époque. Cette action judiciaire a été initiée par le fonds activiste CIAM, qui dénonçait depuis des mois une opération contraire au droit boursier et préjudiciable aux actionnaires minoritaires. CIAM estimait qu’au lieu d’une simple distribution d’actions des nouvelles entités issues de la scission – Havas, Louis Hachette Group, Canal+ et Vivendi SE – une offre publique de rachat globale aurait dû être présentée.

Pour Julien Visconti, avocat du fonds CIAM, « cette décision est historique pour les actionnaires minoritaires ». Elle constitue un précédent rare : depuis 2008, la cour d’appel ne s’était jamais opposée à une décision de l’AMF, qui s’était toujours vue confirmée dans ses positions. L’AMF avait autorisé la scission lors de l’assemblée générale du 9 décembre, jugeant que le groupe Bolloré – alors détenteur de près de 30 % du capital – ne contrôlait pas Vivendi. Les actionnaires s’étaient alors prononcés à 97 % en faveur du projet. Vivendi, dans un communiqué publié après le jugement, a souligné que même sans les votes du groupe Bolloré, les résolutions auraient été adoptées à 95,7 %, preuve, selon la société, d’une large adhésion des actionnaires.

Reste que cette validation pourrait désormais être remise en cause. Catherine Berjal, cofondatrice de CIAM, estime que « l’OPR aurait dû être proposée dès octobre » et évoque une possible compensation pour les actionnaires lésés. Reste à savoir si une telle mesure est encore praticable, alors que la scission est déjà effective. Si une OPR devait être lancée, la question du prix d’achat par action serait centrale. À ce jour, les capitalisations boursières de Canal+ (1,85 milliard d’euros), Louis Hachette Group (1,3 milliard), Havas (1,39 milliard) et Vivendi SE (2,55 milliards) totalisent environ 7,09 milliards d’euros, soit 17 % de moins que la valeur de Vivendi avant la scission.

Une situation qui rendrait une OPR très avantageuse pour les minoritaires, selon Pascal Quiry, professeur de finance à HEC Paris : « Si elle se faisait sur la base de la valorisation d’avant la scission, ce serait une excellente affaire pour les petits porteurs. Même si, dans les faits, cela semble difficilement réalisable. » Vivendi avait pourtant promis que cette restructuration libérerait la valeur de ses actifs, en mettant fin à la « décote de conglomérat ». Une valorisation globale de 16 milliards d’euros avait été avancée par Yannick Bolloré, président du conseil de surveillance, en octobre dernier. Pour Catherine Berjal, cette évaluation reste la seule légitime : « Il n’y a aucune raison de revenir sur les chiffres avancés à l’époque par le groupe lui-même. »

Source : Les Echos

Commentaires

RUBRIQUE COMMENTAIRE
Bonjour , avant poster, veuillez vous assurer d'avoir pris connaissance des règles.

X

Cinq consignes avant de réagir :

  • Rester dans le cadre de l'article. Pour des discussions plus générales, vous pouvez utiliser nos forums.
  • Développer son argumentation. Les messages dont le seul but est de mettre de l'huile sur le feu seront modifiés ou effacés sans préavis par la rédaction.
  • Respecter les acteurs de l'informatique et les autres lecteurs. Les messages agressifs, vulgaires, haineux, etc. seront modifiés ou effacés sans préavis par la rédaction.
  • Pour toute remarque concernant le contenu de l'article, pour nous signaler une erreur, une faute d'orthographe, une omission, merci de nous contacter exclusivement par ce formulaire.
  • Relisez-vous, n'abusez pas des majuscules et profitez de l'aide du navigateur en activant la correction orthographique