
Entre les dégâts natures et les actes malveillants, les réseaux télécoms sont depuis plus en plus sujets à des incidents.
Câbles sectionnés, antennes endommagées, infrastructures inondées… Ces dernières années, les incidents affectant les réseaux de télécommunications se sont multipliés, mettant à rude épreuve la continuité des services fixes et mobiles dans l’Hexagone. Dans une note de synthèse récemment publiée, l’Arcep, le régulateur des télécoms, dresse un état des lieux préoccupant sur la vulnérabilité des réseaux numériques français face à une diversité croissante de risques, qu’ils soient organisationnels, technologiques ou climatiques. L’autorité émet également une série de recommandations destinées à renforcer leur résilience dans un contexte d’exigence accrue en matière de connectivité.
La gestion de crise est difficile
Premier constat de l’Arcep : la multiplication des intervenants complique considérablement la gestion des incidents. Alors qu’un seul opérateur gérait historiquement le réseau cuivre (Orange), le passage à la fibre a vu l’apparition de 85 opérateurs d’infrastructure sur le territoire, auxquels s’ajoutent les opérateurs commerciaux et une multitude de sous-traitants. Cette fragmentation, également visible dans les réseaux mobiles avec l’externalisation de nombreux équipements à des “towercos”, rend l’identification des responsabilités plus floue et ralentit les interventions en cas de coupure.
Cette complexité logistique est particulièrement problématique en situation de crise. Les plans ORSEC, censés coordonner la réponse à l’échelle départementale, manquent parfois de contacts précis pour mobiliser rapidement les bons acteurs. L’Arcep recommande donc que chaque préfecture dispose d’une liste actualisée des référents locaux pour chaque opérateur d’infrastructure. Autre faiblesse soulignée : les opérateurs d’infrastructure ne sont pas toujours informés des pannes s’ils ne reçoivent pas de signalement des opérateurs commerciaux ou des clients finaux. Résultat : une perte de temps précieuse dans la localisation et la résolution des incidents.
Dépendance technologique et cybersécurité
Au-delà des problématiques organisationnelles, la transformation technologique du secteur fait apparaître de nouveaux points de vulnérabilité. La virtualisation des réseaux, via des technologies comme les “Software Defined Networks” (SDN), expose davantage les infrastructures à des attaques informatiques. L’ouverture croissante aux API, qui permet aux opérateurs de monitorer leurs équipements ou d’offrir de nouveaux services, augmente mécaniquement la surface d’exposition aux cybermenaces.
La dépendance croissante à l’égard des géants du cloud – Microsoft Azure, Amazon Web Services ou Google Cloud – renforce également la sensibilité du secteur. Ces “hyperscalers” hébergent de plus en plus de fonctions critiques du cœur de réseau, ce qui pose la question de la souveraineté numérique et du contrôle des infrastructures. L’Arcep insiste sur la nécessité d’intégrer ces risques dans les stratégies de cybersécurité des opérateurs, notamment en multipliant les audits, en sécurisant les interfaces critiques et en renforçant les capacités de réponse face à une attaque.
Les menaces environnementales persistent
Les événements climatiques extrêmes ne cessent de démontrer leur potentiel destructeur pour les réseaux télécoms. La tempête Ciaran, en octobre 2023, avait ainsi privé plus d’1,5 million de Français de tout accès aux communications. Plus récemment, le cyclone Chido a isolé l’île de Mayotte du reste du monde. L’Arcep rappelle que ces événements vont se multiplier et s’intensifier sous l’effet du dérèglement climatique. Tempêtes, inondations, canicules, mais aussi éruptions solaires ou tempêtes électromagnétiques : la liste des menaces naturelles s’allonge, avec des conséquences potentiellement graves pour les réseaux.
Dans ce contexte, l’autorité prône une approche structurelle. Elle recommande notamment l’enfouissement progressif des câbles, un chantier coûteux – plusieurs milliards d’euros – mais jugé essentiel. Aujourd’hui, la France repose encore largement sur 500 000 kilomètres de réseaux aériens, bien plus vulnérables que les infrastructures souterraines. D’autres actions sont suggérées : renforcer les ancrages des antennes relais, identifier les zones sensibles à élaguer, sécuriser les locaux techniques et disséminer les stocks de matériel de secours (câbles, armoires, groupes électrogènes) sur le territoire.
Pour mieux anticiper et structurer la réponse aux crises, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et la Banque des territoires ont déjà proposé en 2023 un guide pour aider les collectivités à établir leur propre schéma local de résilience (SLR). L’Arcep encourage cette démarche et appelle à une meilleure coordination entre acteurs publics et privés. Enfin, dans les situations extrêmes, l’Internet satellitaire peut se révéler une solution de secours précieuse. Orange a ainsi développé un kit mobile d’urgence, le “SafetyCase”, permettant aux services de secours ou aux collectivités sinistrées de maintenir un minimum de communication via satellite.
Dans un monde de plus en plus dépendant des communications numériques, la robustesse des réseaux devient un impératif de sécurité nationale, économique et sociale. L’Arcep en appelle à une mobilisation générale des opérateurs, des pouvoirs publics et des collectivités locales pour prévenir les interruptions et garantir la continuité de service, même dans les circonstances les plus extrêmes.
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